La vérité sur les étirements

Les étirements sont descendus de leur piédestal et n’ont plus la place qu’ils avaient il y a encore quelques années. Considérés hier comme salvateurs de tous les maux du sportif, les étirements sont pour certains devenus une pratique dangereuse. Qu’en est-il réellement? La vérité se situe certainement quelquepart, entre ces deux extrêmes…

La vérité sur les étirements

S’étirer, une pratique dangereuse?

Etirements et récupération en trail

Les mythes ont la vie dure et la pratique des étirements consécutivement à une séance difficile nous le prouve tous les jours ! Qui plus est quand on le justifie par le fait que les courbatures seraient moindres après des étirements.

Pour y voir plus clair, considérons tout d’abord que les courbatures ne sont aucunement liées à « l’acide lactique » qui stagnerait dans le muscle plusieurs jours. L’acide lactique étant oxydé rapidement suite à l’exercice, cette idée est désormais obsolète! Ce qu’on appelle encore les douleurs musculaires d’apparition retardée (en anglais les DOMS pour Delayed Onset Muscle Soreness) sont en réalité liées à un processus inflammatoire, s’accompagnant de douleurs diffuses survenant entre 12 et 72h après l’effort. Comme évoqué dans un précédent article (mettre lien vers phénomènes physiologiques de la descente en trail), ce processus inflammatoire est principalement lié aux efforts excentriques. Pour rappel, ces derniers sont des contractions musculaires en étirement que l’on rencontre lorsque l’on « freine » le mouvement. Nous avions vu que ce phénomène était très important en trail, lors des descentes. Mais de manière générale, la course à pieds provoque ce genre de contractions à chaque appui lors de la phase d’amortissement. 

La vérité sur les étirements

A chaque foulée la phase d’amortissement provoque des contractions excentriques (image VOLODALEN)

Ces contractions excentriques ont pour conséquences des lésions des sarcolemmes (enveloppes des fibres musculaires) et des sarcomères (éléments contractiles du muscle). D’où les processus inflammatoires !

Et que fait-on lorsqu’on étire le muscle ? A l’image d’une corde effilochée qu’on solliciterait un peu plus, rien de moins que d’accentuer le phénomène de lésion ! Au passage, ceci peut être un objectif en soi (assez risqué tout de même) : les étirements viendront alors en complément d’une séance excentrique, en vue d’un «effet protecteur»…différé. Mais en terme de récupération, on comprend bien que des étirements consécutifs à une course ou à une séance difficile au mieux n’apporteront aucun bénéfice, au pire seront néfastes !

Conclusion, pas d’étirements après une séance dans l’optique de mieux récupérer !

La vérité sur les étirements

Ne pas s’étirer après une “grosse” séance!

Etirements et prévention des blessures

Mais alors à titre préventif, les étirements sont-ils efficaces ? On voit en effet régulièrement des étirements se pratiquer entre l’échauffement et le cœur de la séance. S’étirer éviterait les déchirures dit-on ! Là encore jetons d’emblée un pavé dans la mare ! Le stretching avant l’effort ne sert à rien. « Parfois même, précise O.BEAUFAYS, il fait pire que mieux » (Sport et Vie Hors-Série n°39). Une vaste étude sur le sujet (S.S.Yeung, E.W.Yeung, L.D.Gillespie. Interventions for preventing lower limb soft-tissue running injuries. Cochrane Database of Systematic Reviews ; 2011) aboutit en effet à cette double conclusion : d’une part, le stretching diminue la vascularisation des capillaires. D’autre part, les terminaisons nerveuses responsables des boucles réflexes sont comme anesthésiées une fois étirées (le réflexe myotatique protecteur est comme mis en sommeil). Elles sont donc moins aptes à réagir dans l’urgence, accentuant de fait le risque d’entorse.

De la même manière, il a été montré que les étirements placés avant la séance ne diminuent pas le risque de déchirures musculaires (Herber RD, Gabriel M ; Effects of stretching before and after exercising and practise jumps on musclesoreness and risk of injury ; 2002).

Les étirements ne sont donc pas plus pertinents avant qu’après l’entrainement, ne prévenant en aucun cas des blessures. 

Etirements, stretching et performance

Si les étirements passifs placés avant une séance ne préviennent pas des blessures, ils ne permettent pas non plus d’être plus performants. Pour les efforts en explosivité en tout cas. Lors d’une expérience, des athlètes avaient augmenté de 0,14s leur temps sur 40 m après une séance de 15 min d’étirements alors que le groupe témoin avait maintenu ses chronos (Wiemman K, Klee A ; 2000). On considère dans la littérature scientifique qu’un muscle préalablement étiré perd entre 4 et 7% de son élasticité dans l’heure qui suit son étirement (O.BEAUFAYS, Sport et Vie Hors-Série n°39). Ce phénomène, nommé « creeping » en anglais, est dû à un allongement des fibres musculaires, normalement torsadées. Elles perdent leur élasticité naturelle et donc leur capacité à restituer l’énergie.

Mais placé à distance des séances pour une discipline comme le trail qui ne requiert pas d’explosivité, le stretching permet-il d’être plus performant ? Sur ce point, la question divise. Une étude montre en effet qu’après un programme d’entrainement en musculation, les sujets qui étaient devenus les plus raides avaient le plus amélioré leur coût énergétique (Fletcher JR, SP Esau et BR MacIntosh. Changes in tendon stifness and running economy in higly trained distance runners ; 2010). De la même manière, plusieurs études citées par G.MILLET (Ultra-trail : plaisir, performance, santé ; 2013) ont démontré que les coureurs les plus économiques étaient les moins souples.

Il ne faut pas pour autant mettre le stretching aux oubliettes, même si cela arrangerait à coup sûr de nombreux traileurs. Premier argument, s’inscrivant en faux contre ce qui a été présenté plus haut, un programme de stretching ne semble pas détériorer le coût énergétique de la foulée (Nelson AG and al. Chronic stretching and running economy ; 2001). Pour comprendre ce paradoxe qui n’en est pas un, considérons que stretching et musculation agissent sur deux qualités différentes. L’un agit sur la tolérance à l’étirement (le stretching), l’autre sur la propriété visco-élastique du muscle (la musculation). Gagner en souplesse permettrait même de minimiser les dommages musculaires induits par l’exercice (Chen CH et al. Effects of flexibility training on eccentric exercise induced muscle damage ; 2011). Une autre étude va dans le même sens, associant raideur du genou et douleurs au niveau du dos (Hamill J, Moses et J Seay. Lower extremity joint stifness in runners with low back pain, 2009).

Par ailleurs, les assouplissements sont souvent préconisés par le corps médical en terme de prévention et de guérison des pathologies fréquentes que rencontre le coureur (syndrome rotulien, pubalgie…). Cela confirme bien l’intérêt du stretching sur la santé du coureur.

En définitive, les étirements placés avant la séance vont à l’encontre de la performanceLe stretching, placé à distance des entrainements, semble quant à lui neutre sur le coût énergétique du coureur. En revanche, l’intérêt principal du stretching réside dans sa capacité à prévenir des blessures. Ce qui renvoit indirectement à la performance : un traileur moins blessé sera moins arrêté, donc plus performant et en meilleure santé ! CQFD ! A condition, comme d’aucuns le conseillent, de ne pas les réaliser pour s’en débarrasser, un peu comme on fait la vaisselle !

Conclusion

Les étirements, non merci. Ou à la rigueur des étirements dynamiques pour terminer un échauffement. En revanche, oui au stretching, placé à distance des entrainements spécifiques. 

 

Etirements

Stretching

Récupération

Néfastes

Non

Prévention des blessures

Néfastes

Oui

Performance

Néfastes

Neutre

 
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