La coupure hivernale

Il est admis par tous que l’organisme doit récupérer pour être performant. La récupération se retrouve partout : récupération dans la séance, récupération dans la semaine (micro-cycle), récupération d’après course… Mais à l’échelle d’une saison, cette récupération est-elle obligatoire ? Si oui, sous quelle forme et quelle doit être sa durée ?

La coupure :

Avant toute chose, j’entends par « coupure », une période orientée vers la « régénération physique et mentale » pendant laquelle on reconsidère l’entrainement habituel, par une modification de la charge d’entrainement et éventuellement des activités pratiquées, incluant le plus souvent une première phase de repos total.

La phase de repos total :

Quelle que soit la forme que prendra la coupure hivernale, il me semble recommandé de respecter une phase de repos total, a minima d’une semaine. Au-delà, le corps se désadaptant rapidement, les intérêts sont limités. Une reprise de l’activité après une semaine permettra donc de stopper le processus de désentrainement. Pour autant, l’erreur serait de vouloir reprendre l’entrainement habituel trop vite, trop tôt. Se pose alors la question de savoir comment reprendre l’activité sportive.

Le diagnostic :

S’interroger sur la coupure, c’est s’interroger sur sa nécessité et donc faire un état des lieux des différentes variables qui pèsent sur le coureur. Voici selon moi (elles ne sont sûrement pas exhaustives) les différentes pistes qui peuvent orienter la coupure hivernale :

  • Sur le plan mental : l’athlète est-il « éreinté » par sa saison ou non ? Certaines courses nécessitent des ressources mentales plus importantes que d’autres : je pense particulièrement aux ultras. Par ailleurs, un compétiteur aura certainement une fatigue mentale et psychologique plus importante que le coureur « récréatif » dont le seul but est de se faire plaisir sur les courses et de terminer celles-ci. Je parle beaucoup de la fatigue mentale provoquée par les courses mais il faut évidemment tenir compte des entrainements quotidiens qui épuisent l’athlète. Le mode de vie, la situation familiale et professionnelle… tout cela a une influence sur le mental.  
  • Sur le plan physique: l’athlète se sent-il fatigué ? cela ne peut être qu’une sensation et renvoie donc à l’aspect mental. Mais cette fatigue physique peut être objective, c’est-à-dire corrélée à des indicateurs physiologiques et de terrain. Outre la fatigue, comment répond l’organisme ? Certains terminent la saison avec des douleurs articulaires, musculaires, tendineuses, osseuses… La coupure peut alors être le moment de prendre soin de soi, de soigner toutes les pathologies, plus ou moins chroniques, plus ou moins handicapantes. De la même manière, l’âge peut également exercer une influence.
  • Sur le plan géographique: on ne coupe pas à la montagne comme on coupe en plaine. Les possibilités d’entrainement croisé (évidemment je pense au ski sous toutes ses formes) ne sont pas les mêmes, les contraintes d’accès à la nature non plus (pas facile d’aller courir lorsqu’il n’y a que de la neige autour de soi).
  • La charge d’entrainement « habituelle » de l’athlète durant la saison : Est-il réellement nécessaire de couper lorsqu’on s’entraine 2 fois par semaine ?
  • L’appétence pour d’autres sports: Certains se réjouissent de pratiquer une autre activité, pour d’autres, l’idée de ne pas courir plusieurs semaines est une véritable angoisse.
Le nécessaire diagnostic pré-coupure

En fonction de la position de chaque curseur, on devine qu’il y a autant de coupures possibles qu’il y a d’athlètes. Néanmoins, je vais tenter de répondre à la question de départ à travers quelques profils type :

  • Cas du coureur « usé physiquement » par des bobos chroniques (tendinites, douleurs articulaires…): il n’est pas rare de terminer la saison par une blessure, ou tout du moins par une pathologie plus ou moins invalidante, plus ou moins chronique. Dans ce cas évidemment, le repos complet dépendra de la ou des pathologie(s). L’idéal est un repos permettant un « RESET » complet de l’organisme. Mais au-delà de quelques semaines de repos total, prudence ! Notre organisme n’est pas habitué à ne rien faire, et le processus de désentrainement fait rapidement son œuvre. Plus longue sera la pause, plus progressive devra être la reprise. Si la pathologie le permet, je conseille de rapidement (après une semaine de repos total) faire un peu de marche quotidienne, du home-trainer ou une autre activité portée.
  • Cas du coureur récréatif: jusqu’à 3 séances par semaine, la coupure ne me semble pas être une obligation. Tout cela dépendra du coureur et du diagnostic établi plus haut.
  • Cas du coureur de trails courts : Si celui-ci n’a pas de souci physique et n’éprouve pas de baisse de motivation, je conseille une semaine d’arrêt total, suivie d’une autre semaine sans course, mais incluant du cardio porté (type Home-Trainer) à faible intensité et sur des séances inférieures à 1h. Puis une reprise de la course en semaine 3, progressive en intensité et en volume.
  • Cas du coureur habitant à la montagne: Il est tout à fait possible de ne pas courir (ou très peu) pendant 2 voire 3 mois. Bien sûr, cela ne veut pas dire ne rien faire : la montagne en hiver offre un terrain de jeu privilégié au traileur. La coupure s’apparente ici à une véritable 2ème saison. Certains en profitent même pour se fixer un objectif compétitif : course de ski de fond par exemple, ou course de ski alpi. Attention cependant à la reprise ultérieure de la course à pied. Les capacités cardio-vasculaires sont développées certes, mais les impacts ont été limités et le tissu osseux a été désadapté. C’est donc dans ce cas de figure que la reprise de la course est la plus sensible. A l’image d’un moteur de Ferrari dans une 2 chevaux, la cylindrée est là, mais tout le reste est à consolider. Je conseille donc une transition progressive, avec un tuilage entre le ski et la course. On diminuera progressivement la charge d’entrainement en ski pour l’augmenter en course à pied. C’est au passage une problématique que l’on rencontre également chez les adeptes du « home-trainer connecté » lors de leur coupure.

Quelle que soit la forme de la coupure, je conseille 3 mois minimum sans objectifs compétitifs. Ou alors des objectifs dans d’autres registres, de façon à travailler d’autres qualités : course de ski (fond ou alpi), cross, course sur route courte pour un ultra traileur…

Prendre soin de soi

Comme évoqué précédemment, la période est propice aux soins, d’autant plus si l’on a terminé la saison avec quelques douleurs chroniques. N’hésitez pas à passer entre les mains de l’ostéopathe. Et profitez-en pour vous accorder des séances régulières de stretching ou de yoga. Sur le plan nutritionnel, après quelques jours de lâcher-prise parfois nécessaires au cerveau, on veillera à avoir une alimentation équilibrée faisant la part belle aux légumes et fruits riches en anti-oxydants. Bref, on réduit l’entrainement, mais on essaye de faire un minimum le métier quand même !

Une ou des coupure(s) ?

Et si on coupait en été ? On peut très bien l’imaginer chez un coureur qui aurait une charge professionnelle saisonnière importante en été. Par ailleurs LA coupure hivernale ne doit pas s’ériger en vérité. Il est tout à fait possible de réaliser 2 voire 3 coupures dans l’année, après chaque objectif majeur par exemple.

Conclusion :

Il est difficile de répondre à la délicate question de la durée et de la forme que doit revêtir la coupure. Il n’y a pas de coupure « type ». Elle est nécessaire pour certains, vécue comme une agression pour d’autres. Quoi qu’il en soit, elle doit considérer l’athlète dans son ensemble, avec ses envies et besoins parfois contradictoires (l’envie de s’entrainer alors que l’organisme nécessite du repos par exemple).

Comme souvent en matière d’entrainement, c’est donc l’application du principe d’individualisation qui permettra d’atteindre l’équilibre physique et mental nécessaire à la régénération.

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